Chi' - Griffe des Chimères

Elle avait franchit la porte du Palais...

Après cet entretien avec Takumasato, un disciple de Iop qui portait la même tenue que l'époux de sa mère, elle avait été intégrée dans ce Clan dont elle avait tant entendu parlé.
Pour le moment les Daedrik ne semblaient pas s'offusquer de ses manières parfois un peu emportées ou effrontées. C'est qu'elle était loin d'avoir la discrétion de sa mère ou la sagesse de celui qui l'avait engendrée, mais après tout, elle n'était pas un ange, loin de là, et contrairement à celle qui par ses souvenirs l'avait guidée jusqu'ici, elle n'était pas née esclave et ne le serai jamais.
Pourtant..
Pourtant quelque chose la taraudait ce soir. Observant les dragodindes qui évoluaient dans l'enclos elle laissa ses pensées vagabonder un long moment.

Elle s'était surprise à penser à celle qui l'avait mise au monde suite à son propre comportement qui lui ressemblait tant. Combattant seule depuis bien longtemps elle n'avait pas encore fait l'expérience de ces batailles qui vous unissent à vos comparses au point que la vie de chacun puisse dépendre des autres. Alors qu'elle découvrait cette nouvelle manière de faire, loin des boucliers protecteurs, loin de la solitude dont le silence ne s'entrecoupait que par le bruits de la mêlée, instinctivement elle s'était liée a eux, donnant un peu d'elle même, veillant sur leurs gestes, leur état..
Ce n'est pas tant qu'elle eu la sensation d'être réellement utile, ces guerriers aguerris avaient bien plus croisé le fer qu'elle même, mais la plus minime sensation de l'être ne serait ce qu'un peu, les sentir accepter ce qu'elle tentait comme une chose naturelle apaisait d'une étrange manière ce qu'elle tentait de dissimuler par ses bavardages et son assurance affichée.

A quel instant cela avait il changé? Était il possible qu'ainsi elle parvienne à s'ôter ce poids qui lui faisait parfois vouter les épaules ?
Un étrange sourire se dessina sur ses lèvres alors que son regard était toujours posé sur les dragodindes sans sembler les voir vraiment. Ses premières traques s'étaient avérées plutôt désastreuses, mais si cette impression se confirmait, peut être parviendrait elle …
Hm.. le prochain .. suivant de Sadida, elle qui n'avait jamais joué a la poupée. Elle abandonna les dindes à leur gavage et se mit en traque.

Le coté aléatoire de ses différentes 'rencontres' avec des duvets avait toujours été imprévu et plutôt courus d'avance. Quand un jeune caneton se mettait a trembler ou a crier plus fort qu'un Peki faché, ou quand le coq arborait déjà une connaissance du combat qui rendait obsolète, voir ridicule le terme de celui ci, le goût n'était pas au rendez vous si ce n'est celui de sentir l'odeur des lames qui s'entrechoquent, le crépitement dans l'air du sortilège invoqué.. rien de bien différent d'une bataille contre quelque bête si ce n'est ce malaise qui la mettait en rage ensuite s'il se faisait sentir. Jamais contre des plumes d'ailleurs, ce qui semblait étrange, ou pas.

Mais elle commençait a apprécier le goût de ces défis contre elle même qui ne le faisaient jamais remonter à la surface, puisque dirigés exclusivement contre ces volatiles, et lui permettaient de savourer cette autre odeur, celle victime de ses maux en d'autres circonstances...

''Tu es fille de démons, n'est il pas normal que cela passe outre toute autre considération en certains moments? Ne te regarde pas à travers moi, tu as eu un père qui l'était jusqu'à l'âme. Tu portes son héritage aussi... Cela viendra.''

Sans doute y avait il de cela.

Elle s'approchait tranquillement de sa proie, l'observant, se sachant jaugée elle même au regard qu'il porta sur elle et esquissa un sourire.
Alors que le paysage s'estompait autour d'eux ils ne se quittaient plus des yeux.

Un premier crépitement, chacun se préparait, observant toujours. Le silence se faisait pour elle et une première poupée apparu. La distance entre les deux était un handicap pour elle, mais elle suivait l'évolution de la petite créature...
Une ombre de sourire, une coopération imposée à la poupée et sa proie fut devant elle. Mais le duveteux avait de la ressource, elle aurait du se méfier, elle ignorait tout des jouets de ce genre. Une autre poupée, une encore.. Certaines connaissaient un art du sacrifice encore plus poussé que celui des disciples de la Déesse Sacrieur. Elle avait raffermit son emprise sur ses dagues mais l'odeur métallique de son propre sang commençait à la faire frémir et son coup dérapa sur le cordon de string du poilu à plumes.. il s'en était... fallu de peu..

Alors qu'elle pansait ses blessures, se remémorant les détails du combat, un Xélor se planta devant elle, la forçant à réprimer un tressaillement de surprise devant le petit être.
Elle se méfiaient de ces derniers.
Pourtant encore secouée par son dernier combat elle se releva lentement, plissant le regard, n'ayant pas eu le temps de tout à fait se reprendre. Des paroles décousues en un bwork approximatif, oui, même le bwork peut être approximatif, se faufilèrent avec peine à travers son état de légère torpeur.
Traque.. se battre encore.. Il semblait vouloir dire qu'il était sur ses traces aussi s'écarta t-elle du portail de zaap afin d'en quitter la zone protectrice.

La tête un peu basse, les gestes mécaniques elle s'entailla à nouveau, exhalant un souffle lourd. Puis une seconde fois, pas un mot ne franchissait ses lèvres tant elle se concentrait sur ses gestes. Une ombre passa dans son regard vert a l'instant où elle assurait sa maitrise puis elle se rua littéralement sur lui. Ses dagues semblèrent avides, malgré les difficultés à se mouvoir que le Xélor lui infligeait. Il fut pris d'une défaillance, elle se redressa alors tout à fait et pour la première fois fit un geste punitif.

Ce ne fut qu'un long moment après qu'elle entendit à nouveau le bourdonnement des conversations autour d'elle. Son état n'était pas bien joli à voir mais en l'instant elle n'aurai su y prêter attention.
S'éloignant pour s'isoler, reprenant les gestes maintes fois répétés après ses combats, elle banda ses avant bras et déboucha une fiole afin de rejoindre le Palais.
Elle y était parvenue...
Elle ferme les yeux un instant, histoire de se remettre, puis elle se rendrait a la milice..
Dés que possible.
Rapidement..

Sombrant sur le tapis central du hall, vaguement adossée à l'une des serres elle s'était endormie plus rapidement encore, le sommeil peuplé de songes.

Le songe si souvent répété reprenait son assaut..

Elle l’avait vu s’affaiblir, lentement, sûrement, puis ses gestes s’étaient fait hésitants et sans précisions.
Son regard par instant ressemblait à celui d’un enfant qui ne peut atteindre une chose dont il sait avoir éperdument besoin et ce regard là la transperçait, lui faisait mal.
Tout en attendant avec impatience l’escale qui permettrait à son bien aimé de se nourrir, elle
n’avait pas ressentit la même fébrilité à l’approche de ce jour.

Elle comprenait ce qu’était la faim, ‘’Cette faim’’.
Ses songes s’étaient parés de souvenirs douloureux comme s’ils étaient des perles pour lui ramener à la mémoire les heures de lente agonie qu’elle avait passé à s’empêcher de se suivre un instinct.

C’était avant...

A présent elle se sentait déchirée, torturée de l’entendre dans la pièce adjacente subvenir à ce besoin vital pour l’être qu’il était. Le froissement des étoffes lui fit crisper les doigts sur le linge dont elle s’essuyait les mains sans prendre garde. Les rires des deux filles lui vrillaient les tympans plus sûrement que le cri d’une banshee, mais les hurlements qui vinrent remplacer ces gloussements qui se voulaient charmeurs ne la soulagèrent pas plus.
Que ce soit pour rire, hurler, vivre ou mourir elles étaient pour un instant entre ‘’Ses’’ bras.
Même pour un instant fugace elle ne le supportait pas, même en ayant vu son
regard se poser sur les catins, laissant paraître l’aversion qu’elles lui inspiraient.

Elle ferma les yeux un moment. Elle n’avait pas été bien différente par le passé. Ces deux là n’étaient que des filles de port, traînant leurs bas dans les tavernes à marins et les maisons glauques. Elle avait connu le satin et les richesses qui mettaient en valeur une peau, un regard, sans lui donner pourtant l’éclat du désir ou du plaisir.

Secouant la tête elle rouvrit les yeux, fixant la faïence de la cuvette d’eau où elle avait trempé ses mains, elle se laissa glisser au sol, dos au mur et attendit que les cris cessent.

Tilion était entré, l’avait prise par la main et relevée.
Ce grand Iop qui ne payait pas de mine n'était pas assez stupide pour ignorer ce que ses actes faisaient subir à la jeune fille. Après tout, comparé à lui ce n'était qu'une enfant au regard trop adulte.
Entraînée à sa suite elle avait laissé ses jambes avancer machinalement. Un pas après l’autre, croisant des visages, insensibles aux voix, aux rires.
Elle ne faisait plus que suivre celui qui la guidait ainsi, loin de ces cris qui ne voulaient s’éteindre dans son esprit.

Le tangage caractéristique sous ses pieds se fit mollement sentir. Ils étaient de retour à bord, ses esprits lui revenaient lentement. Plusieurs jours s’étaient écoulés sans qu’elle ne réagisse, sans qu’elle ne les voit passer.

Certains matelots avaient un peu rit, racontant entre eux que le plus jeune du ‘’petit couple’’ avait laissé un chagrin d’amour en la personne d’une des deux prostituées avec lesquelles on les avait vus monter à l’auberge.
Mais les rires cessèrent vite,
ils n’aimaient guère se faire remarquer par son compagnon, celui au regard si étrange. Il leur donnait toujours un peu la sensation de pouvoir lire en eux et cela les rendait nerveux.

Tilion l’avait aidée à descendre tout d’abord vers la cale où ils avaient trouvé le calme qu’ils recherchaient au début de leur voyage, mais au bout de quelques jours, alors que Chi' commençait à se reprendre doucement, elle éprouva le besoin presque obsessionnel de sortir dés que la nuit tombait, passant alors des heures à fixer la voûte étoilée avant de tomber de fatigue dans un sommeil agité.

Il la regardait souvent dormir. Elle semblait l'intriguer. A la fois encore
jeune mais donnant la sensation d'avoir vécu bien longtemps. Portant
une sorte de fatigue que seuls les plus anciens des siens ressentaient
parfois après une existence longue et mouvementée. Malgré le refus de la jeune
fille elle était à ses yeux son infante, il ne parvenait à la voir
autrement.
Disciple de Iop parmi les plus âgés, portant la trace des
anciens dans sa nature elle même, il était un être de la nuit et le
serait de tout temps.. Et elle... Elle... dont il avait désiré faire sa
semblable, mais qui malgré son jeune âge avait su résister a l'appel
qui en séduisait plus d'un..

Le regard vert de la jeune disciple de Sacrieur s'ouvre doucement. La lune est encore haute mais
le jour ne tardera pas. Elle croise celui de son compagnon et ébauche un sourire vague. Elle l'accompagne vers la cale, le regarde fermer les yeux sur son sommeil morbide et enfin, alors qu'il ne donne plus signe d'éveil elle se détourne.
Elle sait que sa décision est la seule qui soit acceptable, la seule qu’elle puisse prendre.
Autrement un jour elle finira par le haïr.
Réunissant quelques affaires elle noue le tout dans un napperon puis s’attarde encore un instant à ses côtés.
Elle passa une main sur la joue blême de l’endormi. Il lui semblait être revenu six années en arrière à cet instant précis et les larmes, chose rare chez elle, vinrent poindre à ses paupières. Se reprenant elle se leva alors, prenant son bagage elle remonta sur le pont. L’aube grisâtre apparaissait enfin et le navire allait faire escale, lui permettant de retourner à terre.. Lui permettant de commencer une
nouvelle vie...

Elle avait comme chaque matin laissé derrière elle les songes qui hantaient son sommeil. Son perpétuel sourire au coin des lèvres, son perpétuel regard stoïque sur ce qui l'entourait perdaient de leur fixité quand elle côtoyait ceux dont elle avait fait sa famille.

Au fil des combats elle perfectionnait quelques techniques, ajustait quelques méthodes, pourtant quelque chose clochait, un détail la chiffonnait. Les alentours de la ville semblaient receler une odeur particulière...

Elle s'y attardait. Au point de cesser les traques lentement, ou pour être plus précise, d'en entamer une différente.

Alors qu'elle tachait de travailler sa Punition à l'aide de gemmes spirituelles, combattant encore et encore un bouftou royal qui offrait juste assez de résistance pour qu'elle puisse perfectionner son geste sans trop s'épuiser, elle compris enfin.

Découvrant la source de cette odeur a la fois familière et trop particulière, elle se souvint des
enseignements de Tilion.

Dans toute nuit l'on trouve des oiseaux de proie,
je suis de ceux ci. Mais tout comme des chiens peuvent se
dissimuler dans une meute de loups pour qui ne les connait pas,
tu réaliseras sans doute que dans nos ténèbres se distinguent deux
sortes de rapaces.

De ceux qui sont les plus anciens tu apprendras qu'ils observent,
a force de temps, une certaine retenue,
et quelques uns enseignent à ceux, rares, qu'ils invitent dans
l'ombre a suivre un même mode d'agissement.

De ceux là tu n'auras rien a craindre si je puis dire.
Car si l'un te choisie en tant que proie tu sera
tout simplement perdue.

Les autres sont de ceux que je compare aux chiens de rues.
Ils se jettent sur ce qui passe sans même
prendre garde aux traces qu'ils laissent,
certains d'entre nous les chassent même,
afin de garder une certaine discrétion.

As tu déjà vu des chiens se battre pour un os ?

Il avait esquissé un léger sourire.

Imagine toi que tu sois l'os a leurs
yeux.

Ceux là seront incapables de résister à leur instinct
et se jetteront sur l'un de tes semblables à la
moindre blessure même s'ils ont étanché leur soif l'instant d'avant.
Leur existence ne tourne qu'autour d'une seule chose: se nourrir.
Ne respectant rien, pas même notre besoin de discrétion,
s'attirant souvent la foudre des plus anciens.
Il est plutôt contrariant de devoir déménager à cause de leurs actions qui
effraient les proies et les rendent bien plus méfiantes,
si cela ne les fait pas carrément fuir ou chercher à trouver le prédateur.

Ceux là, je puis t'en protéger dans une certaine mesure.
Ton temps passé a mes cotés laissera sa trace
sur toi et comme tous les chiens ils évitent de se frotter au
danger, préférant éviter de s'approcher d'une .. proie dument
marquée.

Elle eut l'occasion de s'assurer de ce qu'il en était. Comme il le disait lui même, comment pourraient ils résister à ce que représentait l'un de ses châtiment sans un minimum de maîtrise? Mais pour avoir déjà eu affaire a l'un de ces chiens comme il les appelait, elle s'était montrée méfiante tout de même au début. Si cela avait été le seul tracas c'aurait été encore, mais un soucis d'une autre nature semblait poindre son nez, elle en ignorait la cause ou les réels effets, mais il lui arrivait de sentir une pointe au creux de la poitrine, une sorte de pincement...

C'est au cours d'un petit défi personnel qu'elle en avait eu la certitude, sa toquante interne semblait avoir des ratés. Étrange, elle n'y avait jamais prêté attention jusque là, se focalisant sans doute trop sur ce qui a ses yeux faisait tout combat: les odeurs, du sang, des métaux entrechoqués, mais ça.. jamais. Alors que ses pensées s'égaraient un peu lors d'un combat somme toute simple contre un dragoeuf elle avait senti a nouveau le phénomène.

Un loupé..

Un léger manque de souffle.

Cette sensation que quelque chose en elle avait eu un instant de silence là où l'on se devait d'entendre un rythme régulier...

Ce jour là...

Ce jour là elle s'était éveillée sans s'imaginer la manière dont sa vie allait basculer.
Mais après tout les choses étaient ainsi: on se lève un matin comme un autre pour réaliser arrivé le soir que rien ne sera plus jamais comme avant..

Jeune disciple de la Déesse Sacrieur elle avait quitté le foyer maternel quelques temps avant afin de suivre l'enseignement destiné a ceux qui comme elle choisissaient cette voie. Son but était on ne peut plus clair; elle aspirait à devenir digne de rejoindre '' l'Autre Famille'' comme l'appelait sa mère, celle dont elle lui avait tant parlé. Digne de porter ce Blason évoqué tant de fois qu'il lui semblait le connaître par cœur.

Un jeune fervent de Feca partageait cette ambition. Compagnon d'enfance, confident et rival même parfois, ils ne cessaient de se défier, mesurant leurs atouts afin de savoir qui serait le plus apte a porter la bannière de ces fameux Daedrik.

Lui toujours à rire, dissimulant sous des abords moqueurs un esprit vif et calculateur, elle plus posée, semblant plus renfermée, Ils se chamaillaient une fois encore afin de savoir qui des deux avaient remporté leur dernier combat d'entrainement, et le jeune homme s'éloigna en râlant, les gestes amples et la voix forte, alors qu'elle pestait contre ses façons trop exubérantes comme chaque fois...

A présent.. Cette main crispée sur sa gorge la privait d'air au point que des papillons d'ombre commençaient a apparaître devant ses yeux. Son cerveau en manque d'oxygène divaguait ..

S'en voudrait il de l'avoir laissée là lors de cette énième dispute?

Parviendrait il a atteindre le but qu'ils partageaient..

Derrière le voile qui obscurcissait sa vue une silhouette avait semblé se rapprocher rapidement, dans un son rauque s'étrangla le cri qu'elle voulu pousser pour lui dire de partir, mais n'était ce pas juste un animal ? Son agresseur repoussa d'un geste l'intrus. Mais une seconde approchant de même eut tôt fait de la convaincre qu'elle avait perdu la tète et, alors que l'emprise se relâchait brusquement sur son cou, un lointain bruit de lutte sembla lui parvenir dans l'instant ou l'ombre de l'inconscience l'avait engloutie.

Y avait il eu un jour ?
Y avait il eu une seule nuit..

Ses yeux s'étaient ouverts sur un autre monde lui semblait il, et à partir de ce moment là, elle avait appris a considérer les contes pour effrayer les enfants.. comme une réalité...